Carnet d'un Congé Solidaire ®

Madagascar, pays du mora mora
Par Matthieu Guiet, le 4 Octobre 2014
Les quelques minutes avant l'atterrissage d'un avion nous donne un avant-goût de nos prochaines découvertes. Alors que nous traversons les nuages et apercevons au loin la ville dans laquelle nous allons évoluer, le mystère se désépaissi.
Après 11h de vol, une escale à La Réunion puis un second vol de 2h40, les collines d’Antananarivo (Tana pour les intimes) se dessinent sous mes yeux. Durant ces instants, le paysage laisse libre cours à notre imagination. Des hauts plateaux et une terre ocre composent le sol. La main de l’Homme semble absente jusqu’à apercevoir des serpentins à travers les collines. La végétation semble, dans un premier temps, faiblement présente. Cette terre ocre présente ici et là de petites verrues : des petites maisons de même couleur qui s’intensifient alors que l’avion se rapproche du sol. Soudain l’urbanisation s’intensifie. Les lignes arrondies des collines laissent place à des lignes plus abruptes, retravaillées par l’Homme. L’une d’entre-elle semble coiffée d’un majestueux palais : il s’agira du Rova, Palais de la Reine Ranavalona Ière. Etonnamment, de grandes étendues d’eau aux formes linéaires semblent se dessiner au milieu de cette urbanisation. En réalité, Tana comporte encore aujourd’hui en son sein des rizières qui sont inondées pour faciliter la récolte. Au loin, à l’écart de l’activité de la ville, une piste de bitume indique à l’avion son point d’arrivée. Déjà une certaine tranquillité se fait sentir : le « mora mora » malagasy commence à m'envahir.
Une rencontre inattendue
Par Matthieu Guiet, le 4 Octobre 2014
Comme en signe de bienvenue, l’une de mes premières rencontres se fera avec… un lémurien ! Je l’avoue, cela est un peu surprenant !
Les lémuriens sont incontestablement les animaux les plus célèbres de Madagascar. On les considère comme les ancêtres des singes, plus exactement comme de lointains cousins. La famille des lémuriens comporte 36 espèces dont la grande majorité ne se trouve que sur l'Ile Rouge.
Le Père Pedro
Par Matthieu Guiet, le 5 Octobre 2014
Le Père Pedro est la figure de prou de la lutte contre la pauvreté. Fondateur d'Akamasoa, son aura dépasse la Grande Ile. Depuis 25 ans, ce sont plus de 300 000 personnes en détresse qui ont pu bénéficié de l'aide de son association. Les objectifs de celles-ci consistent à redonner une dignité humaine aux populations les plus pauvres en leur accordant un logement décent, en scolarisant les enfants des rues mais également en assurant un travail rémunéré aux plus démunis.
La découverte du prêche de cet humanitaire dimanche matin, entouré de plus de 7 000 fidèles, a été un moment riche en émotions.
Aussi, alors que j'ai eu la chance d'assister ce dimanche à l'une de ses célébrations, vous pouvez retrouver un article concernant le Père Pedro et Akamasoa dans le Paris Match de cette semaine.
Une mission, deux régions !
Par Matthieu Guiet, le 6 Octobre 2014
L'originalité de cette nouvelle mission réside dans le fait qu'elle se déroulera sur 2 sites distant... de 10h de route !
Comme lors de mes précédentes missions, mon choix s'est arrêté vers une mission de bureautique (perfectionnement des logiciels Word / Excel / Powerpoint). Cette fois-ci, les bénéficiaires seront des salariés de l'ONG ENDA OCEAN INDIEN : responsables RH, responsables compta, directeurs de centres, coordianateurs de projets, éducateurs et animateurs.
ENDA s'avère être la plus importante des ONG... sénégalaises ! Après avoir été fondée en 1972 à Dakar par Jacques Bugnicourt (homme politique français), l'association a rapidement pris une ampleur internationale avec des interventions aux quatre coins du monde, dont deux sites à Madagascar (Tana & Majunga).
ENDA OCEAN INDIEN intervient en milieu urbain dans les bas quartiers (bidonvilles) dans une logique constante de réponse et d'accopagnement d'initaitives locales afin de lutter contre la pauvreté et contre l'exclusion sociale, avec pour objectif de promouvoir une vision de la ville ouverte à chacun, y compris aux populations les plus démunies.
Depuis sa création, l'ONG a oeuvré pour la réinsertion sociale et professionnelle des jeunes en situation difficile, la fomation des acteurs sociaux, l'amélioration de l'habitat des familles très démunies, la gestion des ordures ménagères et la lutte contre les violences conjugales.
ENDA intervient principalement dans les bas quartiers d’Antananarivo. Quartiers facilement inondables où les infrastructures publiques en matière d’assainissement, de santé et les services publics, d’habitation sont faiblement présents. Ces endroits se trouvent souvent surpeuplés. Elle compte également une Antenne dans la ville de Majunga (Mahajanga), ville secondaire de Madagascar durement touchée par la crise politique et économique de 2009 qui a entrainé la fermeture de nombreuses usines, entrainant une augmentation du chômage, du secteur informel et une forte paupérisation des habitants. Près de la moitié des urbains vivaient alors en dessous du seuil de pauvreté.
Aujourd’hui à Antananarivo et Mahajanga, ENDA OI met en oeuvre six programmes principaux qui sont l’accompagnement des jeunes en situation difficile vers la réinsertion sociale et professionnelle (depuis 1996), la formation des travailleurs sociaux (depuis 1998), la prévention et la lutte contre la violence conjugale (depuis 2008), l’assainissement durable des quartiers (depuis 2005) , l’amélioration de l’habitat des familles démunies (depuis 2001) et, depuis novembre 2013 après une phase d’étude de 2 ans, l’hôtel école qui forme des jeunes en difficultés à devenir des professionnels en hôtellerie.
Les bénéficiaires de l’action d’ENDA OI sont, à fin janvier 2014 :
- 500 familles soutenues par le projet d’amélioration de l’habitat,
- 60 familles suivies dans le cadre du projet d’accès aux latrines,
- 500 emplois créés grâce à la mise en place de comité de pré-collecte des déchets,
- 300 jeunes en moyenne fréquentent régulièrement nos 4 centres d’accueil de jour,
- 300 femmes victimes de violences conjugales accompagnées annuellement par ENDA ou une autre structure, membre du réseau, formée par ENDA,
- 25 jeunes en formation à l’hôtel-école.
ENDA reçoit un soutien financier de bailleurs multiples : Union Européenne, AFD, Ville de Paris, Fondation Auteuil, Secours Catholique, Fondation Abbé Pierre, Fondation Pro Victimis, Helvetas, Lyon’s club, Fondation Nicolas Hulot, Ircod...
Site internet ENDA OCEAN INDIEN : http://www.enda-europe.org/developpement-urbain-a-madagascar
Une semaine à Tana...
Par Matthieu Guiet, le 11 Octobre 2014
Cette première semaine de mission à Tana se révèlera être particulièrement... intense !
Intense dans un premier temps, du fait du fractionnement de la formation en modules et du fait du niveau élevé des participants ! Quinze jours avant mon départ pour Madagascar, nous avions pu, avec la directrice d'ENDA OCEAN INDIEN, convenir d'un programme de formation où les bénéficiaires pouvaient s'inscrire à un cours en fonction de leur niveau, de leur intérêt et de leurs disponibilités. Cette organsation avait été préférée à une formation classique d'une semaine étant donné que, contrairement à mes autres missions de bureautique au Bénin ou en Haïti, les participants n'étaient pas les bénéficiaires de l'association, mais ses salariés. Effectivement, le public était composé de coordinateurs de projet, éducateurs, animateurs, directeurs de centre ou même la responsable administratif et financier, celle des ressources humaines ainsi que leur équipe. Le niveau était assez hétérogène et leurs connaissances des logiciels Excel, Word et PowerPoint assez élevées déjà.
Une vingtaine de participants était présente lors de chaque module. Aussi, j'ai tenté de retenir, pas toujours avec succès, les 41 prénoms différents. Les noms de familles des malagasy étant en moyenne composés d'une vingtaine de lettre, j'ai rapidement abandonné mon idée saugrenue de les apprendre par coeur !
ENDA étant une association avec une forte notoriété, les bailleurs nous permettaient d'avoir à disposition des locaux et du matériel qui pouvait contraster avec la pauvreté du quartier.
Dès les premiers instants, j'ai senti que la motivation et l'attente des participants étaient grandes. Rapidement, nous avons élevé nos objectifs et avons pu mettre en pratique les notions que nous venions de partager grâce aux différents travaux apportés par les bénéficiaires. Un module spécifique avait été mis en place afin de venir en aide au service comptable. L'automatisation du suivi budgétaire ainsi que l'automatisation de la gestion des paies ont été partiellement réalisées. Un développement plus conséquent de ces programmes serait néanmoins à prévoir dans le cadre d'une mission spécifique.
La curiosité des participants était grande et, très souvent, nous prolongions nos modules par une longue séance de questions / réponses. Ainsi, nos modules prévus de 8h30 à 11h30 puis de 14h à 16h30 se poursuivèrent souvent jusqu'au coucher du soleil, aux alentours de 17h30. Un soir, alors que nous avions étonnement fini notre module relativement tôt, Sailor, mon chauffeur à Tana, a pu m'accompagner jusqu'au Rova, le Palais de la Reine qui domine la ville, pour assister à un éblouissant coucher de soleil. La lumière de Tana est très intense et à partir de 16h30 se diffusait dans toute la ville un magnifique voile orangé.
La voiture de Sailor accusait le poids des années et il n'était pas rare qu'un groupe de passants devaient nous pousser afin de faciliter le redémarrage du taxi ! De couleur crème, les taxis de Tana sont très souvent de vieux modèles de véhicules français que nous n'apercevons plus que rarement dans l'Hexagone : 4L, 2CV, R12, R5, Diane ou même Ondine ! Malheureusement, ces véhicules contribuèrent aux énormes embouteillages et à la forte pollution ressentie.
Malgré son agitation et ses inconvénients dus à son statut de grande ville, il se dégage de Tana une certaine sérénité inhabituelle dans les capitales africaines. Sont-ce ces grandes lettres blanches ANTANANARIVO qui coiffent une colline qui lui donne un léger air d'HOLLYWOOD ? Ses quartiers sont contrastés, allant du faste des palais administratifs à la pauvreté des bas quartiers (bidonvilles) ; ses vieilles 2CV côtoient les marchands déplaçant leurs biens par des charrettes tirées par deux zébus ; ses 4x4 luxueux passent devant des enfants vivant dans la rue... et pourtant son atmosphère reste étonemment zen... "mora mora".
Une citation du Lonely Planet indiquait "Il y a des villes qui savent se faire aimer en quelques minutes et d'autres qu'il faut apprendre à apprécier. La capitale malgache fait partie des secondes. "Tana" séduit rarement d'emblée. Trop de bruit, trop de voitures, trop de pollution... L'arrivée dans la capitale malgache ressemble plus souvent à un choc qu'à un coup de coeur pour le voyageur." De mon côté, il ne m'aura fallu qu'une semaine pour adopter Tana... à moins que ce soit elle qui m'a adopté !
La Maison des Volontaires de Planète Urgence se situait, quand à elle, dans le centre-ville de Tana. Le trajet en taxi pouvait nous prendre jusqu'à 1h en fonction des embouteillages. Ce trajet était pour moi l'occasion d'échanger avec mon chauffeur et mieux appréhender la ville. Avenue de l'Indépendance, Palais présidentiel et Alliance française n'avaient plus de secrets pour moi. Le lac Anosy, dont la statue en son centre change de couleur à chaque prise de fonction du nouveau président, avait une allure printanière avec ses jacarandas en fleurs qui l'encerclaient. Les fleurs violines de ces arbres commençaient juste à éclore. Un instant, Tana me faisait penser à Johannesbourg où les jacarandas, qui demandent une quantité d'eau importante, ornaient les beaux quartiers.
A Tana, Planète Urgence possédait une maison où se côtoyaient en journée les chargés de missions et en soirée les différents volontaires. Ce lieu me permettait de rencontrer des personnes aux intentions et valeurs similaires aux miennes. Ce lieu d'échanges était riche pour nous tous, riche de nos expériences, riche de nos rencontres, riche de nos actions.
La traversée de l'Ile Rouge
Par Matthieu Guiet, le 12 Octobre 2014
Dimanche 12 Octobre 2014 - Après cette première semaine dans la capitale, il était temps pour moi de rallier Majunga au nord-est de Madagascar, où est localisée l'antenne d'ENDA pour une deuxième semaine de formation.
Entre 10 et 11 heures étaient nécessaires pour rejoindre cette ville, prisée des Malagasy durant leurs vacances, et l'océan indien (ou plus précisément le canal du Mozambique) qui borde Majunga. Pour ce trajet, j'avais opté, en accord avec l'ONG, pour un déplacement en bus collectif : c'est donc dans une ambiance locale que le voyage s'effectua ! Notre convoi de 4 véhicules prit la route pour un périple de 560 kms à travers l'île rouge.
Ce trajet me permit d'admirer de multiples paysages que détient Madagascar : des magnifiques hauts-plateaux aux routes serpentées, aux rives de l'océan indien avec un somptueux coucher de soleil, en passant par les plaines arides de Maevatanana, les rizières de Marosakoa et la traversée de la réserve naturelle d'Ankarafantsika où nos véhicules étaient scrutés par des lémuriens !
De ce trajet, je retiendrai également la traversée de villages bondés par l'attractivité des marchés du dimanche, la misère qui se lisait dans les yeux des habitants des bidonvilles de Tana, les petites maisons de briques rouges et isolées des hautes-terres, les convois religieux de malagasy endimanchés, la joie en nous voyant de quelques enfants venus de nulle part et vendant en plein désert des poissons qu'ils venaient de pêcher, les marchands regroupés aux entrées des ponts que nos véhicules devaient enjamber un à un, des groupes de jeunes venant se baigner dans ces rivières, ces fameux ponts datant de l'époque coloniale et dont la plupart venait d'une manufacture de Lille-Fives, de la rivière Betsikoba dont le lit était anormalement asséché et son légendaire pont, de la canicule de Maevatanana à midi mais je retiendrai aussi les mangues tombant en nombre abondant sur la chaussée ainsi que les chansons françaises reprises à tue-tête par mes compagnons de route !
Ce voyage ne dura que quelques heures... et déjà je me disais que le retour prévu le dimanche suivant serait moins douloureux avec un tel environnement !
La lumière de Majunga
Par Matthieu Guiet, le 17 Octobre 2014
Tout au bout de la route nationale 4 y est lovée Majunga (Mahajanga en malagasy). Lors de mon arrivée dans la ville, le soleil se couchait et il se dégageait une lumière orangée qui accentua l'atmosphère de sérénité ressentie le long de l'estuaire du Betsikoba et de l'océan indien. Sur l'autre rive du canal du Mozambique, Mayotte et les Comores y ont laissé leurs influences françaises et musulmanes à la cité.
Majunga et ses pousse-pousse bleus tirés à bras d'homme qui commencent à laisser place à ses bajaj jaunes...
Majunga et son baobab géant, d'une circonférence de quatorze mètres dont la légende dit que tout nouvel entrant dans la ville doit y faire 7 fois le tour sous peine de ne jamais repartir...
Majunga et ses mangues ! Il faut dire que les différentes sortes de manguiers y sont omniprésents, de même que ses chalands à chaque coin de rue...
Majunga et la grande hospitalité de ses habitants que je n'oublierai jamais...
Une belle leçon de vie
Par Matthieu Guiet, le 19 Octobre 2014
Tout comme la première semaine de ma mission à Tana, cette seconde partie à Majunga a été d'une grande intensité. Néanmoins, cette intensité s'est transformée en intenses plaisirs, intenses échanges, intenses découvertes. Dès les premières minutes, j'ai su qu'il fallait que je puisse profiter de chaque instant de cette ville, humer son quotidien à travers ma mission, pouvoir garder éternellement en mémoire des moments de décontractions, d'échanges et réflexions.
Tout comme à Tana, mon public était composé de salariés de l'ONG ENDA OCEAN INDIEN. La vingtaine de bénéficiaires dégageait une grande soif d'apprentissage et une grande hospitalité. Contrairement à mes autres missions, je n'avais pas face à moi un public de démunis, mais des personnes dont la volonté était de transmettre leur savoir, faire évoluer le bas-quartier de Tsararano.
Je ne peut qu'être qu'admiratif face à ces personnes qui ont fait ce choix alors que leurs compétences pourraient leur permettre un autre destin. Je ne peux être également qu'admiratif du travail de Laure, volontaire française, qui encadre cette équipe ENDA à Majunga.
Les échanges enrichissent les Hommes : j'ai pu mesurer les progrès réalisés par chacun en bureautique. Ces nouvelles connaissances leur permettent dorénavant de faciliter leurs tâches dans leur quotidien. Désormais, certains pourront transmettre ce savoir aux enfants des rues qu'ENDA accompagne et éduque. De mon côté, j'ai également beaucoup appris, appris sur la culture malagasy, appris sur les Hommes, appris sur la vie.
A tous que j'ai pu croiser lors de cette mission, merci pour cette expérience humaine, merci pour cette leçon de vie.